dimanche 3 janvier 2021

Destination Zanzibar

 


Je n’arrive plus à me souvenir de comment l’idée est venue… Nous avons entendu parler, par un collègue, d’une ligne de train toujours en activité et qui permettait de relier la Zambie à Dar Es Salam en Tanzanie. Un train en Afrique, en 2020, ça nous a paru extraordinaire ! Depuis Lubumbashi, les vols sont très chers (la ville n’est pas une destination touristique) et les routes angoissantes.  Guillaume souffre encore du mal des transports, l’état de la voirie est  par endroits  lamentable, les contrôles routiers sont souvent synonymes d’heures perdues en palabre avec des policiers corrompus, les camions surchargés menacent à tout moment de créer des accidents, et je ne parle même pas des petits bus jaunes qui font n’importe quoi ! Voyager  quand on vit en Afrique centrale, c’est donc soit dangereux, soit onéreux. Et voilà que s’ouvre une nouvelle possibilité : le train ne coûte presque rien et est plus sûr que la route ! En plus, contrairement aux bus et avions, on peut s’y allonger pour de vrai et s’y promener.

Très vite, un groupe de professeur s’intéresse au projet « train ». Nous organisons des soirées de discussions, afin de mettre en commun les renseignements que chacun a cherché de son côté. Finalement, un groupe de 13 personnes se compose : notre famille de 6 et 7 autres adultes. Super ! En plus de nous renseigner sur ce fameux voyage en train, nous devons obtenir toutes les informations pour les traversées de frontières : Congo-Zambie puis Zambie-Tanzanie : les visas, les formalités et surtout ces fichus test Covid. Qui exige quoi, comment et à quel prix. Finalement, vouloir voyager en train, c’est une excellente motivation mais c’est nécessaire de choisir une destination. Depuis Dar Es Salam, pas d’hésitations : nous irons à Zanzibar ! Voilà des années que nous n’avons plus voyagé, ou si peu, et la perspective d’une semaine au bord de la mer turquoise, sous 30° à l’ombre, nous enchante.  Dans le groupe, tous veulent faire la traversée en train mais ensuite, chacun ira de son côté. Dimitri et moi sommes rassurés de partir avec de nombreux autres adultes : les traversées de frontières terrestres ne sont as toujours faciles et nous sommes contents d’être plusieurs à veiller sur les enfants tout en veillant sur les bagages et remplissant les formalités administratives.

Le timing est difficile à définir : il y a deux trains par semaine au départ de Kapiri Mpochi, en Zambie : le mardi et le vendredi. Nous terminons les cours et examens le jeudi 17, nous décidons donc de partir à 13h(Lucie et Timothée manquent  un demi jour d’école) pour la Zambie. Finalement, un couple ne peut se joindre au voyage pour une question de passeport pas arrivé à temps. Quelle déception !

Jeudi 17 à 13h, les taxis sont là ! Nous sommes 11, répartis en 3 taxis et l’aventure commence ! 2 petites heures de route et nous arrivons à Kasumbalesa, le poste frontière. A peine arrêtés, des hordes de « porteurs » se ruent sur le coffre et s’emparent de nos valises ! Panique et surtout bras de fer pour récupérer nos affaires. Nous n’avons besoin de personne : nous nous sommes organisés pour n’avoir que 3 sacs à dos et une valise à roulette pour nous 6. Nous savons tout porter ! Finalement, deux des porteurs nous poursuivent, dont l’un empeste l’alcool… rester calme devient vite difficile. Un responsable de la DGM s’empare de nos passeports et nous emmène dans une première petite pièce. Passeports, carnets de vaccination et tests Covid sont passés au crible pour les 11 membres du groupe, cela prend un temps fou. Les agents parlent Lingala pour que nous ne les comprenions pas… Ce qu'ils ne savent pas, c'est que nous avons avec nous une bilingue qui nous traduira ensuite tous les échanges ! Il était question de trouver un « soucis » au moins pour nous extorquer de l’argent… Pas de chance pour eux : nous sommes tous en ordre à tous les niveaux et ils doivent bien nous relâcher sans nous arnaquer ! Nous faisons ensuite une première file pour remplir des documents et nous faire prendre nos températures. Puis une autre file pour le cachet sur le passeport, et encore deux autres postes de vérification… Au total, pour sortir du Congo, nous aurons montré 5 fois tous nos papiers ! A 11, ça prend beaucoup de temps. En traversant une grande grille, nous quittons la boue, les montagnes de déchets et l’agitation pour arriver dans un endroit propre, avec des bâtiments modernes, des parterres de fleurs… Et passons à nouveau par deux bureaux (pour montrer tous nos documents, répondre à des questions, remplir des papiers,… tous les 11) afin d’entrer officiellement en Zambie. Au total : deux heures pour traverser la frontière à pieds ! Du côté zambien, nous trouvons vite trois taxis prêts à nous emmener vers Ndola, la ville où nous avons prévu notre première étape.

Les paysages sont très différents : des forêts, des jardins soignés, des routes propres et en bon état (sauf entre la frontière et Chililabombwe), des autoroutes 2x2 bandes, des centres commerciaux, des policiers courtois qui vérifient les papiers puis souhaitent une bonne journée… quelle différence ! La Zambie nous séduit immédiatement. Les enfants sont patients et courageux. Encore trois heures de route et nous arrivons finalement vers 20h à notre hôtel. Répartition dans les chambres et rendez-vous au restaurant. Pas de menu, nous commandons ce qu’il y a : du poulet et des frites. Nos enfants ont très faim, surtout Guillaume qui attend, bien assis, sans bouger… pendant 1h30 ! Il finit par presque s’endormir à table, impatient, le ventre creux, quand son assiette arrive enfin. Il est plus de 22h, il a encore eu école ce matin de 7h30 à midi et la journée a été épuisante.

Vendredi 18 , réveil à 6h ! Petit déjeuner à l’anglaise et en route dans un minibus pour la gare des bus. Le grand bus démarre à 7h30 en direction de Lusaka. Le bus est rempli, nous sommes tous éparpillés. Nous avons le plaisir de visionner un film chinois sous-titré en turc ! Ça fait bien passer le temps. Nous descendons, sous la pluie, près de 2h plus tard à Kapiri Mposhi et y trouvons des taxis pour nous emmener à la gare de trains. Je veille sur les enfants qui ont besoin de se dégourdir les jambes pendant que les autres prennent les renseignements, les billets, constituent les trois cabines et font la connaissance d’un parisien qui voyage depuis 3 ans ! Nous avons 4h devant nous avant le départ du train : on nous installe dans un petit salon VIP réservé aux voyageurs de première classe. Quel voyage dans le temps ! Nous en profitons pour aller par petits groupes en ville faire quelques achats : eau, biscuits, pies à la viande…









A 14h, nous embarquons, surexcités ! Le grand but de ce voyage est atteint : nous prenons le train ! La cabine est propre, petite mais bien aménagée. Les enfants ont un sourire jusqu’aux oreilles, nous aussi. L’après-midi se passe en observation du paysage, jeux, lecture, bavardages, visite du train… Nous nous rendons au wagon-restaurant le soir pour manger un poulet avec des frites ! La nuit n’est pas très bonne : le train fait beaucoup de bruit, nous secoue énormément et s’arrête très régulièrement. A chaque fois, nous nous rendormons puis sommes violemment secoués par le remise en route. Je passe une bonne partie de la nuit à regarder par la fenêtre : la vision du train qui éclaire doucement les alentours immédiat est féérique ! Timothée et Guillaume ronflent jusqu’au petit matin. Pas de douche, des toilettes peu agréables… mais un copieux petit déjeuner et nous sommes prêts pour cette nouvelle journée d’aventure !

 

 


 Nous pensions arriver pour 10h pour la ville-frontière Nakonde et y arrivons finalement vers 13h30. Après avoir passé la matinée dans une douce torpeur, branle-bas de combat : nous ressortons tous les 11 avec tous nos bagages et entreprenons de marcher depuis la gare jusqu’au poste frontière. C’est un peu moins d’un km mais nous aurions pris des centaines de photos si nous n’étions pas pressés : nous avons prévu de prendre la « correspondance » pour Dar Es Salam qui démarre à 17h de Mbeya. Beaucoup d’animation, nous portons nos bagages et marchons d’un bon pas. Les gens nous regardent, incrédules : nous formons un drôle de cortège !

 








Le poste frontière est incroyablement moderne. Nous y sommes très gentiment accueillis et y passons un temps qui nous paraît interminable : un premier bureau puis nous sommes convoqués un à un dans une pièce « médicale » : angoisse, que nous veulent-ils ? Questionnaires, prise de température… on nous certifie qu’il n’y a pas de Covid en Tanzanie. Nous portons nos masques par habitude mais ici c’est très mal vu ! Une file pour les cachets de sortie de Zambie, une autre pour les cachets d’entrée, des formulaires à remplir, encore, un visa à payer, encore… Et finalement, nous sortons du poste frontière passé 15h, déçu car nous pensons manquer le train. Un voyageur qui était avec nous dans le premier train nous dit que le second part à 19h de Mbeya, que nous pouvons l’avoir ! Nous nous précipitons dans le petit bus qu’il nous indique et fonçons vers la prochaine gare. Il semble que ce voyageur, le bus, et tous les vendeurs qui s’y sont embarqués sont des arnaqueurs… Nous sommes contrariés mais pas trop : les paysages sont déjà incroyablement différents, il fait chaud, le pays nous semble beau et accueillant ! Finalement, nous arrivons à la gare de Mbeya vers 18h20 et nous précipitons au guichet : c’est la cohue ! Heureusement, un des amis du groupe avait eu un contact avec les responsables du train et déjà réservé nos places ! Nous apprenons que le train n’est attendu que vers 22h ou 23h… Heureusement, nous pouvons attendre dans un salon VIP. Salon vite bondé et infesté de cancrelats, les toilettes attenantes sont innommables… Nous ne quittons pas la gare : nous déplacer de nuit dans une ville inconnue n’est pas une bonne idée et nous n’avons aucune certitude quant à l’heure d’embarquement. Du coup… nous passerons plus de 5h dans ce salon, avec pour seul repas de la journée un épi de maïs grillé… Nos enfants sont vraiment courageux !





 




Embarquement vers 1h30 du matin, nous sommes déçus : le train est sale, sent mauvais et plus vétuste que le premier. Nous sommes, pour la plupart, pris de fous-rires. Plus de 60h de voyage déjà, peu de repas, notre dernière douche remonte à près de 48h,… D’une cabine à l’autre, nous entendons nos amis partir dans de grands éclats de rire ! Lucie craque… Guillaume, lui, s’était endormi dans mes bras dans le salon, je l’ai juste déposé sur la couchette qu’il partage avec Timothée pour qu’il poursuive sa nuit. Les enfants et Dimitri s’endorment vite, le ventre creux. Pour ma part, je veille… à chaque soubresaut du train, je repousse Guillaume et Timothée sur leur couchette pour éviter qu’ils ne tombent.

Nous sommes déjà dimanche 20 décembre. A 7h du matin, on frappe violemment à notre porte : furieuse, je me lève avec de grands « chhhhht, kids are sleeping ! ». Mais le monsieur en face duquel je me trouve est désarmant de gentillesse et propose de nous apporter le petit déjeuner en cabine. J’accepte avec plaisir ! Les enfants se réveillent de bonne humeur et sont ravis de ce petit déjeuner anglais copieux ! Ils découvrent le Chaï, que, pour ma part, je retrouve avec un plaisir immense ! Un thé fort, sucré avec du lait : rien de tel pour vous remettre d’aplomb dans les voyages de routards !

 





Toute la journée se passe dans le train, en jeux avec Guillaume, lecture pour Adrien, Lucie et Timothée. Et observation des paysages pour tous ! Nous avons l’impression à chaque arrêt, de participer un peu à la vie locale. Nous mangeons au restaurant du train le midi. Au menu : un poulet-frites ! Pour le goûter, nous achetons des glaces ! Cela fait des mois que nous n’en avons pas mangé, c’est la fête ! La journée est longue, entrecoupée de petites siestes. Je commence à craquer : enfermée avec les babillages incessants de Timothée et Guillaume, les disputes qui commencent avec la fatigue, le ras-le bol qui s’installe… Les autres sortent du train pendant les arrêts. Ils achètent des mangues, de la canne à sucre, des cacahuètes… niveau ravitaillement, pas de soucis ! Nous commençons tous à rêver de douche et de vêtements propres. Souper au restaurant, au menu : poulet-frites ! Encore une nuit sans sommeil, ballotés par le train, perturbés par les arrêts et redémarrages.





Nous sommes réveillés tôt et avons le temps de boucler les sacs avant l’arrivée. Nous avons dormi habillés, en prévision de l’arrivée prévue quelque part entre 5h et 9h du matin. Finalement, nous arrivons vers 8h à Dar Es Salam ! Heureux ! Nous avons la sensation d’avoir réalisé un exploit : voyager en Routard en Afrique Centrale. Nous avons survécu à 4 jours de transports variés, sans  malade, 4 jours presque sans sommeil, avec une seule douche prise à Ndola 3 jours plus tôt, quelques repas manqués…

Sortie de la gare dans la cohue, notre petit cortège est à nouveau bien remarqué ! Deux membres du groupe nous quittent pour se diriger, en bus, vers Arusha. Les 9 autres partent en taxi vers le port. Nous apercevons la mer ! C’est la fête ! Nous trouvons des tickets de bateau en classe économique. Autant pour le train nous voulions des premières classe pour avoir une bonne couchette, autant pour faire 1h30 de trajet en bateau, cela nous est bien égal d’être confortables ! Nous y trouvons aussi du chaï, des noix de cajous, des chips de manioc,… et improvisons un petit-déjeuner léger et bizarre. Encore une petite attente et nous pouvons embarquer ! Guillaume rêvait d’un bateau rouge, Timothée d’un bateau bleu et moi je pensais qu’il serait blanc. Tous contents : le bateau arbore les trois couleurs ! Nous  trouvons des sièges près des grandes fenêtres. Cela secoue différemment  du train, gare au haut-le-cœur… Nous allons sur le pont admirer le paysage : l’océan indien couvert de petits et gros bateaux au large de la ville, puis simplement  l’immensité et finalement l’île de Zanzibar qui se dessine au loin.

 

1h30 de traversée plus tard, nous arrivons dans la chaleur de Zanzibar ! Étonnant : nous devons encore remplir des documents administratifs et montrer nos passeports. Le groupe se sépare, au terme de 4 jours d’aventure commune. Le sourire aux lèvres, nous nous souhaitons de bonnes vacances et surtout : une bonne douche !

En ce qui nous concerne, notre hôtel nous a envoyé une navette. Grand taxi confortable pour 6, nous nous détendons, Adrien et Guillaume s’endorment, nous apprécions le paysage et retrouvons quelques souvenirs, 10 ans après notre premier séjour. Encore 2h de route et nous arrivons, au propre comme au figuré, en Terre Promise : le Promised Land Lodge ! Au bout d’un tout petit village de pêcheurs, sans autres hotels en activité dans la région… nous nous sentons au bout du monde. Il est  14h heure locale, ce lundi : cela fait exactement 96h que nous avons quitté notre maison de Lubumbashi ! Nous sommes accueillis par un jus de fruit frais, une hutte spacieuse de deux chambres avec terrasse, et une piscine à la température idéale. Les vacances commencent !






Si vous avez lu cet article jusqu'au bout, merci de laisser un petit commentaire!
 

3 commentaires:

Bonne mamie a dit…

Quel périple, vive l'Afrique avec leurs multiples contrôles ! De longs moments d'attente compensés par des superbes paysages.C'est un bel exploit surtout pour les enfants.
Que de bons souvenirs pour vous tous et au final des vacances bien méritées.
Affectueusement kiss Bonne mamie

Anonyme a dit…

Super!
J'ai adoré vous lire et me retrouver parfois dans certains propos de maman voyageuse...

Samir a dit…

Superbes moments avec vous tous ������
Merci