dimanche 28 septembre 2014

Arriver



Partir est à la fois excitant et difficile, nous l’avons vu dans un article précédent.
Arriver a aussi ses bons et mauvais côtés !

Quand nous atterrissons dans un nouveau pays, la première heure exige une grande vigilance : sortir de l’avion en vérifiant que nous n’y oublions rien, faire la file et passer  le contrôle de l’immigration (toujours un peu stressant), trouver l’endroit où attendre les bagages, vérifier qu’on les récupère tous en bon état, sortir et trouver le taxi ou le protocole d’accueil tout en surveillant les 3 enfants, les 15 valises et en repoussant les vendeurs en tout genre. Une fois en voiture, « l’arrivée » prend une autre tournure : celle de la découverte ! A partir de là, les yeux, les oreilles et les narines s’ouvrent au maximum, le cœur accélère son rythme et le cerveau travaille à toute vitesse, peu importe l’heure du jour ou de la nuit et le nombre d’heures passées dans l’avion. La chaleur humide, les sons de la ville, les lanternes qui brillent au bord de la route ; des chiens errants, une odeur de fruits pourris, des klaxons, de la musique ; des moustiques, du soleil, de la sueur déjà,… nous découvrons le pays avec tous nos sens ! Les premiers contacts avec les locaux, leurs sourires ou leur méfiance aussi. Et finalement, la découverte du logement ! En tant que voyageurs et expatriés, nous avons cette faculté de nous sentir « chez nous » dès que nos valises sont posées. Chacun se trouve un lit directement, un fauteuil préféré, une armoire à vêtements ou à jouets. Nous avons vite fait de nous installer, retirer les éléments de décoration qui ne nous plaisent pas (ici les masques grimaçants et menaçants), bouger les meubles, remplir les armoires. La première nuit est souvent courte et agitée : dès le lever du soleil, nous ouvrons nos yeux et tous les rideaux de la maison. S’en suivent l’exploration du jardin (ou pas, en fonction du pays) et des environs immédiats, en pyjamas. Un « pack d’arrivée » est souvent prévu, par l’école à Kigali et Kinshasa, par l’agence de location à Saly. Ouf, de quoi manger et faire un café le premier matin ! Malheur pour le café ici à Saly: le percolateur est rongé par les vers et nous nous en rendons compte… quand le café est dans nos tasses, beurk !

La première sortie est toujours mémorable : il faut trouver un magasin proche pour faire des courses, acheter tout un fond de cuisine. C’est l’occasion de découvrir le quartier, les commerçants, les produits disponibles et aussi le coût de la vie. Découvertes agréables ici à Saly ! Le « mini » supermarché voisin est très bien fourni ! Nous sentons, en nous promenant dans les rayons, la forte présence de touristes et expatriés français : large choix de camemberts, de compotes, de viennoiseries, de pâtés et jambons, de vins toutes gammes,… Tout ce qui est différent de l’endroit d’où l’on arrive nous enchante. Tout ce qui est semblable aussi ! Ici les prix sont raisonnables et le choix très large. Les caissières rigolent déjà avec les enfants et nous demandent si nous sommes là en vacances.

Arriver, c’est aussi et surtout créer des contacts. Par chance, je suis toujours accueillie dans une équipe d’enseignants de tous âges et c’est bien là une des richesses de la profession. Les collègues deviennent inévitablement les copains de sortie et parfois aussi de véritables amis. Par chance aussi, nos enfants sont scolarisés et se font très vite des amis. C’est pour nous l’occasion de rencontrer des parents et élargir ainsi notre cercle de connaissances. Par chance enfin, nous avons toujours des voisins ! Ceux de Kinshasa seront difficiles à remplacer mais ici, il y a déjà 3 garçons de 10 à 12 ans qui passent leur après-midi dans la piscine avec Adrien. Il y a aussi des retraités qui sont de véritables mines d’informations et renseignements.

Quand on arrive quelque part, on a toujours des tonnes de choses à régler : trouver des cartes Sim pour nos téléphones, trouver une connexion internet valable, ouvrir un compte en banque (plus de trois heures pour y arriver ici !), obtenir une carte de résident (oups… il faudra aller à Thiès à la Toussaint), trouver le médecin réputé du coin, chercher des activités parascolaires,…

Arriver, c’est finalement se poser et se créer une nouvelle routine. L’école reprend vite, les horaires sont réguliers. Il nous manque maintenant une nounou pour s’occuper de Timothée et un travail pour Dimitri. C’est pour bientôt.

mardi 9 septembre 2014

Quelques photos






Notre "avenue"!


Un copain du jardin
Retrouvaille après une grosse journée d'école
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Les Baobabs de la place du village

Premier poisson

La mosquée de M'bour






lundi 8 septembre 2014

Trois phases de stress



Qui dans l’assemblée des lecteurs, a déjà dû gérer deux déménagements sur deux mois ? Qui ? Ah oui, quelques uns, c’est vrai. Ils pourront donc témoigner et me soutenir quand j’écrirai : « Quel stress ! »

Phase un : quitter Kinshasa. Cela veut dire vendre tout ce qui ne rentrera pas dans les valises, y compris deux malles. Tenter de tout faire rentrer dans neufs valises de 23kg, mission impossible. Trouver des amis qui nous « donnent des kilos »,  quelle aide précieuse ! S’en sortir finalement avec 14 valises plus 5 bagages à main. Le tout pesé à 0.1kg près. En cours de route, donner la moitié des vêtements de chacun, les jouets trop volumineux, abandonner quelques classeurs plein de notes de cours… Le tout, avec le stress normal de la fin de l’année scolaire, les examens à corriger en moins de temps qu’il ne faut pour l’écrire, les réunions, conseils de classe, bulletins de nos enfants aussi. Et aussi en prenant un peu de temps pour dire au revoir ! Tenter d’apaiser le drame que vit Lucie en disant adieu à ses amies, sa classe et sa maitresse. Tenter de consoler l’immense chagrin d’Adrien qui répète en boucle « J’aimais bien ma classe ! J’aimais bien Madame Marie-Paule » avec de grosses larmes qui roulent sur ses joues. Le tout en surmontant nos propres angoisses et notre tristesse aussi de quitter nos nouveaux amis et notre concession. Et surtout, en ne prenant plus le temps de dormir ou manger, ou presque.

Phase deux : retour en Belgique. Hourra !!! Nos familles nous accueillent ! Suivies dans les premiers jours par nos amis, que de joies ! Le lendemain de notre arrivée, nous dévalisons le Colruyt, nous sentant mieux encore qu’à Disneyland. Les enfants courent partout en hurlant, je me fais dévisager en m’extasiant sur les salades, Adrien choisit des glaces Star Wars, Lucie opte pour les céréales Hello Kitty, Dimitri ne sait plus où donner de la tête…
Nous passons tant de temps à profiter de nos nombreux visiteurs que nos valises ne sont vidées qu’après un mois sur place. Nous avons mille projets, envie de passer chaque seconde dans notre maison mais aussi envie de courir partout dans le pays. Besoin de nous reposer, mais envie de profiter à fond de nos familles et amis qui nous ont tant manqué. Que de frustrations !!!! Impossible de voir tout le monde, de faire tout ce que nous voulons ! Nous enfilons pourtant les énormes journées et les très courtes nuits. En se réveillant chaque matin, les enfants demandent « Et aujourd’hui, on va où ? » Quand la réponse est « On reste ici », ils enchainent avec « Qui va venir nous voir ?». Et à nouveau : le tout en préparant des valises, encore, en faisant des démarches pour obtenir un visa, encore, en préparant le matériel scolaire des enfants, encore, en devant choisir des jouets pour l’année et dire au-revoir aux autres, encore, en devant dire des au-revoir, encore…

Phase trois : le départ. Il arrive finalement comme un soulagement : tout est prêt pour partir. Nous avons obtenu nos visas, trouvé des billets d’avion à très bon prix, trouvé un logement sur place, acheté les manuels scolaire des enfants, réservé d’avance un taxi pour notre arrivée (il faut pouvoir y caser 5 personnes, 5 bagages  main et 10 valises ! Ca ne s’improvise plus à ce stade), … Mission accomplie et la récompense est de s’asseoir dans l’avion et de ne pas bouger pendant deux fois trois heures. On se sentirait presque en vacances mais… le vol est en partie la nuit et les enfants ne dorment jamais tous en même temps. Timothée fait la java sur mes genoux pendant que j’essaye de manger, Adrien ne supporte pas les turbulences du second vol et remet tout son repas du soir.
A l’arrivée, nous passons assez vite l’immigration et attendons peu nos valises. Nous en sortons une fois encore victorieux : tous nos bagages y sont, intacts ! Nous sommes accostés par toute sortes de personnes avant même de sortir de l’aéroport : porteur de bagage (bienvenu), change (bienvenu) et innombrables taxis (pas nécessaires). Nous sommes accueillis à la sortie par Diatta et son minibus. Avec l’aide du Monsieur Change (dollars contre francs CFA) et de Dimitri, il passe environ une demi-heure à charger nos bagages encombrants : dans le coffre, sur le siège arrière et une grande partie sur le toit. Cela vaut la photo mais il fait trop sombre pour nos portables et l’appareil photo est au fond d’un sac. Nous sommes en nage. Les enfants se sont déshabillés le plus possible (nous avons quitté Bruxelles avec pulls en manteaux) et réclament de l’eau. Une heure et demie de route en compagnie de notre premier contact sénégalais, et nous en apprenons déjà beaucoup. Nous nous faisons arrêter deux fois par des policiers du roulage. Ah, ici aussi ? Les enfants ronflent et Dimitri et moi ouvrons de grands yeux. Une route toute lisse ! Pas de déchets dessus ! Des baobabs !!! Des arbres ! Nous arrivons vers 3h du matin (5h en Belgique), tous biens réveillés pour vider la voiture et surtout découvrir notre nouveau « chez-nous » !

dimanche 7 septembre 2014

Partir


« Puisque l’ombre gagne, puisqu’il n’est pas de montagnes, au-delà des vents plus hautes que les marches de l’ennui… Puisque tu pars… », chantait notre bon vieux JJG.
Partir peut sembler un excellent échappatoire pour celui qui se sent coincé dans son quotidien. 
Partir peut sembler lâche pour celui qui se sent le devoir de rester à tout prix.
Partir peut sembler risqué pour celui qui a besoin de la sécurité de son foyer.
Partir peut donner envie, faire rêver, réveiller des frustrations, attiser les jalousies, effrayer, 





Voici notre avis de personnes « habituées à partir ».
En fait, non, on ne peut jamais s’habituer à partir.
Quitter sa terre natale pour vivre ailleurs est toujours un déchirement. Car quitter notre Belgique, c’est quitter notre climat de naissance (si pénible soit-il parfois), notre culture, notre chocolat, nos bières, nos frites, notre Roi, nos politiques absurdes, nos champs et nos forêts, nos voisins et notre village, notre maison surtout !, nos magasins, nos habitudes,… Mais aussi et surtout quitter nos parents, nos frères et sœurs, nos grands-mères, nos amis de longues dates, nos nouvelles connaissances avec lesquelles on a encore tant à découvrir, les amis de nos enfants,… et ça, voyageurs ou pas, c’est toujours dur à vivre.

Partir, c’est se mettre en danger, se lancer dans l’aventure, quelle que soit sa forme ! C’est plonger dans l’inconnu, seul ou en famille, mais toujours sans filet. « Filet ? », me direz-vous. Oui, le filet de notre cocon d’origine. Un problème au travail, un soucis de santé, une inquiétude, un ennui : quand on est chez soi, on a des repères, des points d’appuis, des ressources. On sait à qui s’adresser en toutes circonstances, à qui se confier, où trouver du réconfort. Mais lorsqu’on est seul –ou en famille- à l’étranger, tout prend d’autres proportions ! On peut bien sûr appeler une maman au pays, mais son aide ne sera pas équivalente à celle qu’elle pourrait apporter en étant sur place. Tout devient plus inquiétant : être confrontés au système médical, dans une autre langue souvent (oh, souvenir d’Inde ou de Malaisie…), aux autorités locales (oh douloureux souvenir de Bolivie), aux corps de métier en tout genre (confieriez-vous aisément votre voiture à un garagiste congolais par exemple ?).

Partir, c’est aussi redémarrer à zéro. Avec ce que ça a de bon et de difficile aussi. Se définir à partir de rien, faire de nouvelles connaissance mais aussi se faire connaitre et se livrer, ou pas, à des personnes qu’on vient tout juste de rencontrer. C’est attendre des semaines, voire des mois, pour se faire inviter enfin, se voir proposer l’activité organisée par notre groupe d’âge, avoir des numéros de téléphones locaux dans son répertoire, voir ses enfants se faire inviter aussi, …

Quand on s’expatrie, on prend tout en vrac, pas question de laisser une part sur le coté. On vit le déchirement de dire au-revoir en quittant notre pays d’origine et, en même temps, on sent l’excitation et l’adrénaline de la nouvelle aventure qui démarre. On a des moments calmes au début, puis d’interminables soirées de discussions par la suite. Sachant aussi que ces nouveaux voisins, collègues, parents d’amis des enfants,… ne le seront plus jamais quand, à nouveau, nous partirons.  

« …Et puisque nous t’aimons trop pour te retenir… » Merci de nous laisser partir, nous qui en avons tant besoin !

samedi 6 septembre 2014

Les aventuriers sont de retour



 Quand on vous offre un travail au Congo, comme expatrié, on vous parle principalement du « package salarial ». Ce n’est qu’après avoir découvert la vie à Kinshasa que nous avons compris : il n’y a pas grand-chose d’autre à mettre en avant. Certains employeurs le disent avec franchise : si on n’offre pas un contrat en or, on n’a aucun candidat à l’expatriation.
Pour ma part, j’avais signé un contrat pour deux ans, consciente de tous les avantages financier que deux années supplémentaires représentaient. Prêts à nous embarquer pour 4 ans sur place, nous essayions de voir le bon côté des choses pour tout.
Mais… La vie en appartement sombre, avec vue sur un parking nous plaisait moyennement. Les prix exorbitants dans les supermarchés (et partout) nous énervaient, le bruit et la pollution de la ville nous stressaient, la corruption et les déchets nous exaspéraient.  Chaque trajet, à pied ou en taxi cabossé, était devenu épuisant. L’approche des élections nous angoissait. Mon travail me vidait complètement. J’avais cette impression qu’on souvent les enseignants : La sensation de me battre contre la terre entière pour que quelques élèves aient un peu plus de plomb dans la tête. Tout ça pour quoi ? Finir à genoux chaque jour, sans voix, le dos en compote, les nerfs à vif. Et bien entendu, comme toutes les profs, en me tuant ainsi à la tâche, je ne faisais « que » mon métier. Les élèves me le reprochaient, les parents en demandaient tellement plus,… Au bout d’un moment, c’est dur psychologiquement et physiquement d’être dénigrée en permanence.

Mais les calculs de budget nous encourageaient à mordre sur notre chique encore un an au moins ou trois si possible.

Pourtant… Ceux qui nous connaissent bien savent où sont nos valeurs. Ce n’est pas un contrat « en or » qui nous fera les perdre !
Aussi, lors d’une soirée de déprime, j’ai envoyé deux cv comme des bouteilles à la mer. Pas de lettre de motivation, de copies de mes diplômes ni de références. Je n’étais même pas sure de vouloir enseigner encore. Vite oubliés ces mails pour ailleurs. Le travail a repris de plus belle et les projets financiers aussi. Après deux mois d’hésitations, j’ai finalement annoncé à la grande directrice que nous resterions un an de plus. Mais nous n’en étions pas si heureux. Malgré cela, nous tentions de reprendre notre habitude de ne voir que le bon coté des choses.

Trois jours après, je reçois un mail : « Suite à votre candidature, j’aimerais m’entretenir avec vous par Skype ». Euh, quelle candidature ? Lycée Jacques Prévert de Saly ? C’est où ça ? Une rapide recherche Google et… Wow ! Nous nous mettons à rêver devant les plages et les cocotiers. C’est clair que comparé à la Gombé River dans laquelle s’amoncellent les déchets, y a pas photo. Quelques entretiens, mails questions-réponses et des insomnies pleines de doutes et d’hésitations s’ensuivent. Oui mais… notre plan et nos projets. Oui mais… rentabiliser les cours préparés cette année ! Oui mais… les copains des enfants. Oui mais… nous sommes à peine installés ! Oui mais… Cela me ferait quitter un contrat « expat » pour un contrat  « local ». Oups.

Trop de doutes, d’hésitations. Eclairés (et pas du tout influencés, non non) par nos voisins/amis/voyageurs préférés, suivant notre intuition, nous laissant porter par le Grand Vent du Changement… nous avons décidé de faire le grand saut ! Grand saut car techniquement impossible de tenir financièrement avec ce contrat. Mais avec des si, on y arrivera !

Le jour où nous avons décidé de tenter l’aventure sénégalaise, nous avons eu la sensation de revenir 7 ans en arrière, quand nous avons tout quitté pour partir avec nos sacs à dos et Adrien en porte-bébé. La sensation que rien ni personne ne nous dictera nos vie, pas même les finances. Ce sentiment incroyable, cette conviction profonde que nous sommes LIBRES, libres envers et contre tout ! Tant que nous sommes tous les 5, peu importe le pays, nous serons heureux. Revenir à l’essentiel, ça fait du bien ! Et aussi et surtout revenir à nous-mêmes : nous sommes des aventuriers ! Nous sommes des voyageurs ! 

Nous disons toujours OUI aux nouvelles découvertes, nouvelles rencontres, nouveaux pays, nouvelles coutumes, nouveau système d’enseignements, nouveau logement, nouveau cadre de vie, nouveau climat, …